La littérature des Antilles
est complemment differente de tout ce que j’ai eu l’opportunité de lire dans ma
vie. Je suis particulièrement touchée par des romans (ou récits) et aussi par
les oeuvres de critique littéraire. Et je croix que ce que m’a étonné le plus
c’est justement la simplicité du discours qui touche profondément la
sensibilité du lecteur. Nous sommes entrés dans une réalité historique très
complexe et très douleureuse et, en même temps, nous avons connu l’incroyable
capacité de l’être humain de se réfaire, de se mettre debout même devant des
absurdités de la colonisation et de l’esclavage.
Joseph Zobel, l’auteur de
« La Rue Cases-Nègres »,
est a mon avis, l’un des auteurs que j’ai lu qui a transmis les plus étonnantes
images de la plantation, des familles des travailleurs, enfin de la situation
générale que les mulâtres vivaient pendant cette période. Il a montré la
condition pénible dans laquelle les femmes restaient, toujours absorbées par
les soucis des enfants. Il a aussi présenté cette réalité misérable par les
yeax d’un enfant et ce point de vue c’est magnifique, parce qu’il contient quelque chose de cette opacité de dont nous
parle Glissant. Alors, pour le gamin, il y a des choses qu’il ne comprend pas
en vérité, il y a beaucoup de choses qu’il ne peu pas comprendre. Mais, même
quand il ne comprend pas ces choses, il dit qu’il les « sent
cruellemente »[1]. C’est ce qu’il dit quand
il est mis « en pénitence ». Il a dû entendre de nouveau toute
l’histoire de sa grand-mère, de sa mère et de loi-même. Une histoire tragique,
remplie de tous les types de violences, humiliations et misères. Il ne comprend
pas, mais il sent.
Glissant, en parlant du « chaos-monde »,
nous a dit qu’un des problèmes de l’Ocident c’est justement la notion, ou la
nécessité de compréhension. Cette avidité pour comprendre des choses (des
cultures, des concepts, des personnes...) est l’origine du désir de dominer,
d’accaparer et, de cette façon, il croit que la colonisation est un des
produits de cet élan de « comprendre » toutes les choses. Glissant
nous montre que l’Occident a perdu « la sensibilité à l’opaque »[2]
(p. 127). Quand une personne perd la « sensibilité à l’opaque » elle
en vient à chercher la transparence et elle n’accept rien qu’elle ne puisse comprendre et quand
elle pense qu’elle a compris elle décide que l’autre (sa culture, son monde)
est inférieur et qu’il faut le dominer.
Mais, la question de l’opacité
est encore plus profonde. Nous avons vu que la littérature créole est « la
parole de la nuit ». La nuit est la place par excellence de
l’opacité. Alors, dans « La Rue Cases
Nègres », l’enfant commence son récit en parlant du moment quand sa
grand-mère arrive de la plantation. Le garçon aime se moment, quand il est
libre pour jouer avec ses amis, et la nuit porte quelque chose de mystérieux qui
fascine. Il dit : « ... la nuit est aussi une chose merveilleuse
quand on y allume des flammes et qu’on chante » (p.14). La parole de la
nuit était remplie des chansons, des histoires qui parlaient d’une origine
presque perdue, d’une identité massacrée par l’esclavage et la colonisation.
Bertène Juminer, en parlant de la parole de la nuit, dit que
La parole de nuit
poursuivra son oeuvre de désaliénation, de réintegration, grâce au noyau
familial qui nous fera entrer, dès notre plus tendre enfance, dans une sorte
d’université uxorilocale, animée par un corps professoral du troisième âge,
ayant pour tout viatique sa mémoire et son expérience de la souffrance.[3]
(JUMINER, 1990, p. 139)
Alors, pour Juminer, c’est
dans l’expérience de l’oralité du partage de la parole de nuit, que le peuple
antillais va trouver sa désaliénation, sa réintégration. Par désaliénation nous
pouvons comprendre la fuire de ce processus d’éclairement. C’est la sensibilité
et non la comphéhension qui va révéler l’identité perdue. Ralph Ludwig explique
que, la rupture entre l’oralité et l’écriture est la rupture entre l’individu
et la société, parce que
L’écriture permet certes d’étendre la mémoire d’un peuple
à l’infini, mais le rapport entre cette mémoire et la société se perd, personne
n’ayant accès à la totalité de la mémoire écrite d’un peuple.[4]
(LUDWIG, 1990, p. 16).
De
cette façon, la littérature des auteurs créoles comme Joseph Zobel est
tellement importante parce que ce sont des oeuvres écrits, mais qui portent l’oralité
dans le contenu, les choix lexicaux, le « rythme de la narration »
(p. 18), comme nous le montre Ludwig. En prenant la fonction de griot, ou de
conteur, les auteurs antillais transmettent une « histoire paraléle »,
selon Juminer, une historie « issue de la nuit des temps, mais tout aussi
fragile, car tributoire de la seule oralité, alimentée par sa propre récitation »[5]
(JUMINER, 1990, p. 148).
Il
est possible d’affirmer que l’Occident, avec ses tentatives d’éclairement et de
comprehénsion a échoué dans sa réponse aux questions existencielles auxquelles
nous faisons face aujourd’hui. Peut-être que les réponses se trouvent dans l’opacité
de la nuit.
Lorena Brandizzi
16/05/2016
[1] ZOBEL, Joseph. La rue Cases-Nègres. Paris : Présence Africaine, 1974.
[2] GLISSANT, Édouard. Le chaos-monde,
loral et l’écrit. In : Ecrire la ‘parole
de nuit’ – La nouvelle littérature antillaise (Paris, Gallimard, coll. ‘Folio
Essais’, nº 239, 1990, 192p.), pp. 111-130.
[3] LUDWIG, Ralph. Ecrire la parole de nuit. In : Ecrire la ‘parole de nuit’ – La
nouvelle littérature antillaise (Paris, Gallimard, coll. ‘Folio Essais’, nº
239, 1990, 192p.), pp. 13-25.
[4] LUDWIG, Ralph. « Ecrire la parole de nuit », art. cit. p. 16
[5] JUMINER, Bertène. La parole de
nuit. In : Ecrire la ‘parole de
nuit’ – La nouvelle littérature antillaise (Paris, Gallimard, coll. ‘Folio
Essais’, nº 239, 1990, 192p.), pp. 131-150.
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